Le bulletin du CNE
n°20 février 1996
Editorial du Président
Le programme de travail 1996
Les publications 1995
Les difficultés des premiers cycles universitaires
Éditorial
Le Président de la République a procédé, par
décret pris en Conseil des Ministres le 6 décembre 1995, à
la nomination de neuf membres du Comité National d'Evaluation et
à la désignation de son président, selon une procédure
bien ancrée, puisque c'est la quatrième fois qu'elle fonctionne
depuis que le décret de 1988 a prévu le renouvellement partiel
des membres du Comité.
Ainsi se trouve confirmée la permanence d'une institution originale
- autorité administrative indépendante - qui a su, sous la
conduite de ses présidents successifs, Laurent SCHWARTZ, François
LUCHAIRE et René MORNEX, élaborer une méthode d'évaluation
et s'organiser pour répondre à la mission que la loi lui a
assignée.
Conscient de ses responsabilités, le Comité que j'ai l'honneur
de présider aura à coeur d'être digne de ses dix ans
d'histoire et d'adapter son action aux attentes de notre enseignement supérieur
en permanente évolution.
Le tour de France des universités s'achève, les évaluations
de retour dans les établissements déjà évalués
une première fois ont commencé. C'est un exercice plein d'intérêt
pour l'établissement lui-même car il le conduit à procéder
à une phase interne d'évaluation, donc à mieux se connaître.
Le Comité apporte l'éclairage extérieur, les éléments
de comparaison, et aide aussi très souvent à résoudre
des problèmes internes.
L'essentiel de la richesse de "l'évaluation-recommandation"
réside dans le dialogue qui s'établit, en confiance, entre
l'établissement et le Comité. Ainsi, si les établissements
progressent, le Comité, lui aussi, améliore son aptitude à
apporter des éléments constructifs au fur et à mesure
que s'accroissent son expérience et son expertise. Son mode de renouvellement
(par moitié tous les deux ans), son vivier d'experts, et la pérennité
de la cellule du Secrétariat général en font un organisme
vivant, apte à mémoriser les acquis, et à évoluer.
Une évaluation de l'ensemble des établissements par site universitaire
est maintenant engagée. Elle sera poursuivie, car elle apporte une
vue globale du potentiel d'enseignement supérieur d'une ville et
d'une région. Les résultats d'une telle approche seront précieux,
voire indispensables au plan national, et très utiles au plan international.
Les évaluations sectorielles sont, elles aussi, très riches
en enseignements, et leurs rapports sont exploitables aussi bien par les
établissements que par les organismes et entreprises intéressés
par la discipline expertisée ainsi, bien sûr, que par les étudiants
eux-mêmes.
On pourra également s'intéresser à l'évaluation
transversale d'autres activités des établissements d'enseignement
supérieur, telles que la formation permanente, les relations internationales,
la politique de communication interne et externe... : cet aspect de la stratégie
des établissements mérite une réflexion approfondie.
Quelle entreprise pourrait prospérer, voire seulement survivre, alors
qu'on en véhicule si souvent une image confuse qui ne peut que faire
croire que tout s'y détériore ? N'est-il pas temps de dire
que les universités françaises, dans des conditions certes
très difficiles, font un travail remarquable et obtiennent des résultats
tout à fait honorables, et même souvent excellents, comme le
permettent d'en juger les comparaisons que le Comité a faites avec
les systèmes d'enseignement supérieur étrangers ?
Enfin, le Comité a le devoir de participer à la recherche
de solutions aux grands problèmes de l'enseignement supérieur.
Après avoir dû faire face aux fortes augmentations d'effectifs
- ce qui est en soi une richesse considérable pour le pays - les
établissements, s'ils ont la volonté et les moyens de mieux
s'organiser, pourront se consacrer plus pleinement à la concertation
indispensable avec leurs partenaires pour trouver toute leur place au sein
de la société.
Pour cela, il convient d'associer à la réflexion les responsables
de l'enseignement secondaire, l'ensemble des enseignants, les chercheurs
et les personnels permanents, mais aussi les étudiants et les représentants
des entreprises et organismes employeurs, des collec-tivités territoriales
et du monde économique et culturel.
Dans cet esprit, le Comité souhaite, pour les établissements
et leurs Présidents et Directeurs, pleinement responsables, un renforcement
d'une réelle contractualisation, notamment avec l'Etat.
Le Comité a pu aussi observer l'intérêt des collaborations
entre établissements, tant pour l'enseignement que pour la recherche.
La mise en commun d'équipements au sein de centres de ressources
et la création de centres de recherche, creusets où s'allient
des chercheurs d'origines diverses, lui paraissent être des pistes
à recommander.
Compte tenu de l'attente et de l'importance de l'enjeu, le Comité
doit être en mesure de conduire sa mission en toute indépendance,
depuis l'expertise et la rédaction des rapports jusqu'à leur
édition et leur diffusion.
Pour cela, on ne saurait douter qu'il soit doté des moyens nécessaires
pour mettre en oeuvre, avec la meilleure efficacité, l'ensemble des
compétences qu'il rassemble.
Les observations que le Comité a pu faire sur le terrain au cours
d'une centaine d'évaluations d'universités, d'écoles
d'ingénieurs et instituts sous diverses tutelles, lui ont appporté
une expérience considérable.
L'accueil qu'il reçoit et les témoignages d'efficacité
de son action, le confortent dans le sentiment de l'utilité de sa
mission.
L'analyse qu'il établit de systèmes étrangers de formation
et d'évaluation lui donnent autorité pour affirmer qu'une
mutation essentielle a été engagée et s'accomplit en
France, et que des réussites éclatantes méritent d'être
reconnues, tant dans le domaine de la recherche qu'à tous les niveaux
de l'enseignement supérieur.
C'est avec confiance et optimisme que le Comité entend poursuivre
la tâche qu'il a entreprise et contribuer à une évolution,
concertée et inscrite dans le long terme, de l'enseignement supérieur
français.
Jean-Louis AUCOUTURIER (février 1996 )
Programme de travail 1996
Le programme de travail du Comité comprend quatre axes principaux
:
. la poursuite des évaluations d'établissements
Sont d'ores et déjà prévues les évaluations
de
- l'Université Aix-Marseille I (évaluation seconde),
- l'Université Paris II,
- le Museum d'histoire naturelle,
- le Palais de la découverte ;
. l'évaluation des universités nouvelles
La loi fait en effet obligation au CNE de procéder à ces évaluations
en 1996 ;
Il s'agit de :
- quatre universités d'Ile-de-France : Cergy-Pontoise,
Evry - Val-de-Marne, Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines et Marne-la-Vallée
;
- deux universités du nord de la France : Artois et Littoral.
Le rapport d'évaluation doit être achevé en avril 1996.
. l'évaluation des IUFM
Trois de ces établissements sont actuellement en cours d'évaluation
: Caen, Grenoble et Lyon.
. l'évaluation des établissements qui constituent "le
pôle universitaire lyonnais"
Ce nouveau type d'étude doit permettre de mener une réflexion
sur la notion de "pôle universitaire" et de préciser
le concept de "politique de site", en s'attachant notamment à
mettre en lumière la synergie de chaque établissement avec
- les autres établissements d'enseignement supérieur,
- les centres de recherche et les industries, dans le cadre régional,
- les collectivités locales.
Les six établissements qui composent le pôle universitaire
lyonnais sont :
- les universités Lyon I, Lyon II, Lyon III,
- l'Ecole normale supérieure,
- l'Institut national des sciences appliquées,
- l'Ecole centrale.
A cette liste devrait s'ajouter l'Ecole nationale supérieure des
sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB).
Ces trois derniers types d'évaluation supposent l'élaboration
de principes méthodologiques nouveaux et donc la mise en place de
groupes de travail spécifiques impliquant l'ensemble des responsables
des rapports (membres du Comité et chargés de mission) sous
l'autorité du président du Comité.
Les publications 1995
En 1995 ont déjà été publiés neuf rapports
d'évaluation concernant des établissements :
- l'Ecole supérieure de mécanique et de microtechniques
de Besançon
- l'Université de Corse - Pascal Paoli,
- l'Université Pierre et Marie Curie - Paris VI,
- l'Ecole nationale supérieure de chimie de Paris,
- l'Université Paris I - Panthéon-Sorbonne,
- l'Université Paris-Sorbonne - Paris IV
- l'Université de Bourgogne,
- l'Université du droit et de la santé Lille II,
- l'École nationale supérieure d'Arts et Métiers
et deux rapports thématiques :
- le devenir des diplômés des universités,
- les personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers
et de service (IATOS) dans les établissements d'enseignement supérieur
ainsi que le rapport au Président de la République, portant
sur les dix annnées d'existence du CNE (1985-1995) et intitulé
: Évolution des universités, dynamique de l'évaluation.
Trois rapports sont achevés et devraient paraîtront très
prochainement.
Il s'agit de trois rapports d'évaluation seconde (ou "de suivi")
:
- l'Université de Nantes,
- l'Ecole centrale de Nantes,
- l'Université de Rennes I.
Deux rapports d'évaluation transversale :
- la Chimie
- les Magistères
Les difficultés du premier cycle universitaire
Sur les difficultés de fonctionnement des premiers cycles universitaires
- sujet qui n'est que trop actuel aujourd'hui -, le Comité ne prétend
pas fournir de solutions, mais, grâce à son expérience
fondée sur un grand nombre d'expertises et à une analyse menée
directement "sur le terrain", il est en mesure de rappeler les
grands principes sur lesquelles une politique rationnelle et raisonnable
pourrait s'appuyer.
Les principales causes du taux anormalement élevé d'échecs
en premier cycle sont assez aisément identifiables :
- inadéquation entre le niveau des connaissances de base
et les exigences d'un enseignement universitaire,
- insuffisante maîtrise, de la part des étudiants, des concepts
abstraits,
- insuffisante rigueur en matière de méthodes de travail,
- manque d'encadrement et de suivi des étudiants au sein des établissements,
- désorientation de ceux qui, hier encore étaient des lycéens,
et se trouvent isolés dans une masse importante d'étudiants.
Dans un monde socio-économique qui pratique une sélection
dont les étudiants ressentent d'autant plus cruellement la dureté
que beaucoup a été fait, au long de leur parcours scolaire,
pour la leur épargner, il importe plus que jamais de rappeler la
vocation de l'enseignement supérieur : transmettre un savoir à
ceux qui ont été préparés à le recevoir
et les aider à développer les aptitudes nécessaires
pour faire face aux exigences de toute vie professionnelle.
Pour ce faire, plusieurs recommandations peuvent être énoncées
:
- rééquilibrer de manière cohérente
l'ensemble du système de répartition des bacheliers entre
les différentes composantes de l'enseignement supérieur, afin
de garantir à chaque bachelier un choix réel entre les filières
où il a des chances sérieuses de réussir ;
- renforcer et améliorer l'orientation dans l'enseignement secondaire,
en mettant davantage en regard les capacités de l'étudiant
et les exigences de chaque filière et en faisant accepter, à
la fois par les établissements et les étudiants, que cette
orientation ne peut être seulement incitative mais implique un certain
degré de contrainte ;
- augmenter les possibilités de changement d'orientation grâce
à des passerelles judicieusement situées à certains
moments-clés des cursus ;
- ne plus considérer la formation continue comme un simple appoint
ou un élément de "rattrapage", mais comme une responsabilité
essentielle de l'enseignement supérieur, permettant à chacun
, tout au long de son parcours professionnel, un retour dans le système
éducatif par le biais d'une formation continue diplômante ;
- développer la formation par alternance, avec une réelle
implication des entreprises, secondaires et tertiaires ;
- obtenir des ensseignants un plus grand investissement personnel dans les
enseignements du premier cycle, enseignements qui ne devraient pas être
le lieu d'une trop précoce spécialisation, mais préparer
les étudiants, par l'acquisition d'un solide savoir "généraliste"
et des méthodes de travail éprouvées , à la
poursuite d'études raisonnée au terme d'un choix réaliste
et responsable.