Les relations internationales du Comité

Le projet des références européennes

La démarche d'un groupe de travail de l'ENQA a été de définir un ensemble de standards, compris au sens de "références" ou de "grands principes", qui constituent autant d'objectifs que les établissements d'enseignement supérieur doivent chercher à atteindre dans l’exercice de leurs missions. L'ensemble de la démarche est exposé dans le document "Standards and Guidelines for Quality Assurance in the European Higher Education Area".

Ces standards portent essentiellement sur la mission de formation des établissements. L'objectif poursuivi par l'ENQA est d'atteindre un consensus entre les agences et avec les organisations représentatives des établissements et des étudiants (EUA, EURASHE et ESIB) pour en faire le système de référence des pratiques nationales ou professionnelles des agences d'évaluation ou d'accréditation. En bref, il ne s'agit pas de définir une méthode d'évaluation à vocation transnationale, mais de s'assurer que les objectifs soulignés par les références sont reconnus comme valides par les établissements et que les procédures d'évaluation, ou d'accréditation, externes mises en œuvre permettent d'en apprécier le degré de réalisation et de qualité.

Les références utilisées par le CNÉ dans ses évaluations institutionnelles sont compatibles avec cette approche. Elles sont, pour la partie correspondante aux objectifs visés, une déclinaison adaptée aux spécificités des établissements d'enseignement supérieur français.

Le travail sur les références partagées dans le cadre du processus de Bologne a aussi été l'occasion de proposer des définitions d'un certain nombre de notions clés dans le vocabulaire de l'assurance de la qualité, orienté ici dans ses applications à l'enseignement supérieur. Loin d’être anodine, la validation de ces définitions robustes donnerait des bases européennes aux approches nationales.

  • La qualité dans l'enseignement supérieur est une description de l'efficacité de tout ce qui est entrepris pour s'assurer que les étudiants impliqués dans leurs études peuvent tirer un bénéfice maximum des possibilités de formation qui leur sont offertes et satisfont ainsi aux conditions d'obtention des diplômes qu'ils ambitionnent.
  • Les standards sont définis comme des références générales décrivant des politiques et des pratiques destinées à s'assurer que des niveaux prédéfinis et explicites de qualité sont atteints dans la conception, la délivrance et l'évaluation des cours et des diplômes d'enseignement supérieur. Un standard ne dit pas comment un résultat doit être atteint - il dit simplement ce que devrait être ce résultat. Le domaine d'application et la manière d'utiliser les standards sont déterminés en fonction des contextes particuliers des établissements et des systèmes nationaux ; à mesure que ceux-ci évoluent, il peut être nécessaire de modifier les domaines d'application et les manières d'utiliser les standards.
  • L'assurance de la qualitéest définie comme l'ensemble des actions et des activités entreprises par les établissements d'enseignement supérieur pour s'assurer que la qualité de leurs programmes et diplômes est en concordance avec leurs propres spécifications et celles de tout autre organisme ayant autorité pour définir des cahiers des charges.
  • Les guides sont définis comme des explications non prescriptives de l'importance des standards. Leur but est d'expliciter les raisons du choix des standards et de sensibiliser au maximum aux principes de base de la qualité et de l'assurance de la qualité.
  • L'évaluation par les pairs est définie comme une procédure qui implique l'évaluation de l'efficacité de l'enseignement, de l'apprentissage, de la recherche et de l'assurance de la qualité par des personnes extérieures à l'organisme évalué, qui ont une capacité d'expertise et une expérience reconnues et respectées de ceux dont l'activité est évaluée. Peuvent répondre à ces critères des membres de la communauté académique, des enseignants issus des milieux professionnels et des personnels administratifs d'établissements d'enseignement supérieur, des étudiants et des représentants qualifiés des milieux industriels et commerciaux, d'organisations professionnelles et d'organismes du secteur public.

Cette approche, compatible avec les activités d'évaluation institutionnelle ou d'audit des mécanismes d'assurance de la qualité des établissements, ne satisfait pas totalement les besoins des agences d'accréditation, qui souhaiteraient aller plus loin dans l'établissement de critères européens pour la reconnaissance mutuelle de la qualité des formations et des accréditations.

Les problématiques et les débats qui en découlent concernent le CNÉ dont l'activité s'organise autour de l'évaluation stratégique des établissements, et donc l'évaluation de la façon dont les établissements mettent en œuvre les principes établis, mais ils sont surtout au cœur des missions des organismes impliqués dans les procédures d'habilitation ou d'accréditation : DES, MSTP, CTI, … qui seront à terme questionnés sur la transparence de leurs procédures, l'indépendance de leurs appréciations et la publicité de leurs résultats.

L'assurance de la qualité des agences d'évaluation
La demande formulée par les ministres dans le communiqué de Berlin s'inscrit dans une logique de transparence des dispositifs d'évaluation qui participe de leur crédibilité. Les évaluateurs doivent être en mesure de rendre des comptes sur leurs objectifs, méthodes et procédures. Cette problématique prend une importance accrue avec l'idée de mettre en place un répertoire destiné à lister les agences dont les travaux pourraient être la base de la reconnaissance mutuelle des formations dans l'Union européenne.

La question de la confiance dans les dispositifs d'évaluation est une question cruciale. Elle est particulièrement sensible en raison de l'impact que les évaluations ou accréditations peuvent avoir sur les conditions de développement des institutions ou établissements d'enseignement supérieur.

Faut-il imaginer un échelon européen chargé de l'évaluation des agences ou plutôt un dispositif de reconnaissance des procédures d'assurance de la qualité externe mis en place par les agences elles-mêmes et impliquant les autres parties prenantes de l'enseignement supérieur (établissements, organisations d'étudiants, partenaires sociaux, etc.) ?

Quelle que soit l'option choisie, la question se pose de la direction de cette instance et celle de la garantie de l'indépendance des évaluations. Il y a aujourd'hui en Europe une diversité ancrée dans les différentes traditions nationales. Selon les pays et les objectifs poursuivis, les structures d'évaluation des institutions ou des programmes sont, dans certains cas, des entités indépendantes des ministères ou des conférences de présidents d'université, dans d'autres des structures dépendantes de l'une ou l'autre de ces tutelles.

Au sein de l'ENQA, le CNÉ plaide en faveur d'un dispositif d'évaluation collectif et sans primauté de l'une ou de l'autre des parties : établissements, étudiants, agences d'évaluation ou d'accréditation. Un groupe de travail interne à l'ENQA a proposé dans cette perspective que le groupe quadripartite (EUA, EURASHE, ESIB, ENQA) s'établisse en un European Quality Assurance Committee. Il serait chargé de choisir les experts impliqués dans l'évaluation des procédures d'assurance de la qualité des agences.

L'évaluation externe des instances d'évaluation souhaitée par les ministres est une idée qui bénéficie d'un consensus entre les partenaires du groupe quadripartite. Elle jouera à terme un rôle essentiel dans le fonctionnement de l'association ENQA, notamment par le fait qu'elle sera une condition de la qualité de membre. L'appartenance à l'ENQA deviendrait ainsi une marque de qualité.

La mise au point de labels de qualité pour les agences est aussi un élément de réponse au problème posé dans les années récentes par l'existence d'un marché de faux diplômes et de fausses accréditations de formations ou d'établissements.

L'existence de ce marché, qui pourrait représenter un chiffre d'affaires de l'ordre d'un demi-milliard de dollars d'après des enquêtes menées aux USA, est pris très au sérieux par les organismes d'accréditation américains fédérés au sein du CHEA (Council for Higher Education Accreditation).

Sans entrer ici dans les raisons multiples qui président au développement de ce phénomène (développement de l'enseignement à distance, besoin de reconnaissance des acquis de l'expérience, compétition forte sur les marchés du travail, etc.), on soulignera deux conséquences graves qui justifient l'action concertée des organismes chargés de l'évaluation et de l'accréditation pour garantir et faire connaître leurs actions : la première est le risque de perte de confiance de la société au sens large (étudiants et employeurs) dans la valeur des diplômes ; la seconde, la dévalorisation des institutions et des enseignements supérieurs. Ces risques sont amplifiés dans un contexte de mobilité et de relations internationales.

L'Union européenne et les pays qui la composent ne sont pas à l'abri de ces menaces, qui ne peuvent être conjurées par une approche protectionniste. Dans ce domaine, à côté de législations adaptées protégeant titres et diplômes, la transparence et la publicité des résultats des évaluations des formations sont des points de passage obligés.